LE THEATRE DE SLAVEK
Vieil homme cloué au lit par la maladie, Slavek Sykora, voit dans l’écriture de sa vie un dérivatif à la douleur et à l’ennui. Il va nous raconter l’histoire tumultueuse et passionnante de Prague au temps des lumières.
Slavek est né au début du XVIII° siècle dans une famille aimante et relativement aisée et cultivée : son père de par sa profession fréquentait quelques-uns des plus fameux sculpteurs de l’époque, sa mère par héritage familiale possédait une bible écrite en tchèque. Il échappe à la peste de 1713 qui tua plus de dix-mille praguois (soit un habitant sur six, environ), mais l’été suivant il est victime d’un grave accident : renversé par la calèche du comte Sporck, il a les deux jambes broyées. Echappant de peu à l’amputation, il est désormais condamné à se déplacer avec des béquilles. Le comte, noble éclairé, fournis au jeune homme un précepteur : grand amateur de livres il va éveiller la curiosité de son élève, lui faire découvrir langues et contrés inconnues, mais également l’histoire de son pays et de sa ville. Plus tard la protection du comte lui vaudra d’être placé comme gardien de différents théâtres et scènes d’opéra de la ville, mais surtout comme maitre des lumières. Inventant et perfectionnant des procédés pour éclairer les scènes, jouant avec les ombres et les éclairages indirectes, il deviendra un « sculpteur de lumière ». Pour ce contemporain et correspondant de Mozart et de Casanova, grand séducteur, à l’esprit ouvert et sans préjugés, imprégnés de l’esprit des lumières qui veut « que cette bête d’homme a besoin pour vivre d’autre chose que de pain et d’eau » la découverte du théâtre « valait tous les voyages et mille vies ».
Subtil et raffiné ce cinquième roman d’Anne Delaflotte Mehdevi est une réussite : une écriture vive et acérée, des personnages complexes et attachants, des chapitres courts, très courts, mais percutants, un sens aigu de la narration nous immerge dans cette période où les idées vont briser le carcan féodal et religieux ouvrant la voie à des bouleversements prodigieux.
De Anne Delaflotte Mehdevi,
Gaïa, 2018,
380 pages.